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Lettre n°2 – Berck

par | Oct 12, 2015 | Nouvelles | 1 commentaire

Chère Jeanne,

J’ai attendu ta réponse, en vain, avant de me rendre compte que je ne t’avais pas laissé d’adresse. Je pensais que tu me répondrais par mail. Ton silence est-il le signe de ta colère ? Ou souhaites-tu me répondre par courrier postal ?

Je n’ai pas d’adresse fixe, mon vélo est mon seul domicile. Depuis ma dernière lettre, j’ai parcouru quelques centaines de kilomètres. Mon étoile m’a mené jusqu’au bord de la mer, la Manche aux eaux froides et grises. Avec l’argent que j’avais en poche, je me suis acheté un bon duvet chaud et confortable. Je couche à la belle étoile et m’endors en comptant les astres. Je suis arrivé à Berck, petite station balnéaire offrant une vue imprenable sur un horizon sans fin. Il y a des dunes retenues par des herbes folles et quelques touristes s’essayant aux chars à voile.
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L’air, ici, est vivifiant. J’ai fait le tour des restaurants et cabanes à frites pour trouver un petit job. Je ne veux pas dépenser l’argent que tu gagnes, ni celui que nous avons épargné. J’ai été embauché pour quelques jours en prévision de la prochaine semaine du Cerf-Volant. J’épluche les pommes de terre, fais la plonge et nettoie les sols chaque soir. C’est un vrai bonheur que de gagner sa vie sans avoir à réfléchir, sans prendre de décisions irrévocables, sans autre responsabilité que celle de bien faire son travail. Je peux aussi utiliser la douche du personnel, ce qui m’arrange bien.

Tu dois te demander comment je peux vivre ainsi après tant d’années de vie confortable, dans une maison chauffée avec douche et lit douillet. Petit, je rêvais d’être comme l’escargot, me déplacer avec une petite maison sur le dos, juste avec le minimum nécessaire.

Je me doute bien que tu es en colère après moi. J’ai abandonné le navire comme un bel égoïste. Cette dernière année a été trop lourde à porter. La chute de la bourse a rendu mes clients hargneux, mon travail, un stress perpétuel avec cette sensation permanente d’être au bord du précipice, le pied prêt à déraper. A la maison, malgré ton écoute et ta bienveillance, je me sentais incapable de réaliser ton rêve, celui de remodeler la maison pour l’agrandir et la rendre plus accueillante. Entamer des travaux, me retrouver dans un capharnaüm de gravats et de cartons était au dessus de mes forces.
La corde s’est rompue, le désir de poursuivre cette vie, hors de mes aspirations, a lâché.

Je suis sincèrement désolé, et j’espère que le temps passant, tu arriveras à me pardonner. Mon départ n’est le résultat que de mon mal-être, tu ne dois pas en porter la responsabilité. Partir, voyager, voir de nouveaux horizons m’apaise. J’aimerais que tu puisses toi aussi adoucir ta vie, peut-être en fabriquant ton cocon, à l’image de la maison de tes rêves.
Écris-moi au café La Mouette à Berck, j’attends de tes nouvelles avec impatience.
Je t’embrasse,
Marc

1 Commentaire

  1. alain

    Dans le Pas de Calais, Berck est connu pour son immense hôpital qui accueille les accidentés de la vie, décor idéal pour Marc, cet autre accidenté entre baraques à frites et chars à voile, entre la nostalgie du graillon du quotidien de Jeanne et les étendues infinies mais vides des dunes.

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