Nuit d’été, étoilée. Les grandes vacances. Premier soir sans devoirs. Les enfants du quartier, tel un essaim, courent, crient, rient. Chat perché ou cache-cache ?
– Une oie, deux oies, trois oies, c’est toi …
Le décompte est lancé, je file à la recherche d’un refuge improbable.
– 20 !
Le jardin !
– 18 !
À pas de loup, franchir les escaliers.
– 15 !
Derrière le buisson ?
– 13 !
Non ! Non ! Trop visible !
– 10 !
Vite un abri … panique…
– 8 !
Le peuplier !
– 6 !
Je me faufile au creux de l’ombre, noir encre.
– 3 !
Je disparais, muette, invisible. Je me dérobe. Recroquevillée au pied de l’arbre, les yeux rivés au sommet, je suis happée par la spirale des nébuleuses. Pointée par la cime de l’arbre, une myriade de points minuscules scintille. Fragment d’étoiles. Pupilles écarquillées, droit au cœur me voici, minuscule fourmi, atomisée par l’immensité de la voute céleste. Silence.
Je suis sur la voute, et je vois.
– Au loin, des adultes qui préparent des valises pour le grand départ estival.
– Au loin, des éclats de rire d’enfants qui se cachent.
– Au loin, une petite fille solitaire, bouche bée, les yeux rivés sur les astres.
– Au loin, une voiture qui glisse, à l’horizon, tout phares allumés. Un écureuil aveuglé traverse le rai de lumière.
– Au loin, les fenêtres des immeubles clignotent comme autant d’étoiles sur la voie lactée. Derrière chaque éclat de lumière, un enfant, une femme, une grand-mère.
– Au loin, l’eau se faufile dans les prés. Elle glisse, fourmille, traverse les plaines. De ruisseau, elle devient rivière puis fleuve avant de plonger dans l’océan.
Au loin, beaucoup plus loin, le temps s’est écoulé. En plein été, je me laisse à nouveau surprendre par la rondeur des sons. Le ronronnement d’une voiture qui s’éloigne m’emporte vers l’effervescence d’un départ estival. L’éclat de rire des enfants s’entrelace avec l’éclat du scintillement de la voie lactée. Les yeux rivés aujourd’hui, sur ce fleuve laiteux, je plonge en plein cœur de cette inoubliable entrevue.
Je fais partie de l’univers.
Cette enfant si minuscule au regard de l’immensité du Monde a grandi, si peu. Mille et une questions foisonnent. Comment cet esprit microscopique, dans ce corps enfantin, est-il parvenu, un soir d’été anodin, a englobé le tout-univers ? Sentir son infime petitesse comme un apaisement, une terrible joie. Celle d’appartenir, à cette famille, à cette maison, ce jardin, cette rue, cette ville, ce pays, cette terre, cette galaxie, cet univers, au temps qui passe, malgré tout.
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